L'UNIVERS CRÉATIF DE PAUL

Paul ne s’est associé à aucune école de peinture, aucun mouvement. Il ne s’est pas non plus rapproché de groupes de peintres afin de ne pas être influencé. La formation non académique de la plupart des peintres et sculpteurs novateurs du début de ce siècle, ont certainement influencé ce choix.
Mais la plus probable explication réside certainement en son excentricité, une forte tendance à penser différemment et une inclinaison toute particulière à ne pas faire comme les autres.

Un chercheur dans l'âme

Paul n’a jamais souhaité s’enfermer dans un « style ». Son objectif, d’abord inconscient, était de passer du monde extérieur au monde intérieur, de s’y aventurer par une prospection sans fin, comme pour retrouver les racines d’une « peinture primordiale ».

Son ambition était de découvrir peu à peu l’espace mental, ses relations avec l’extérieur, avec lui-même, avec le corps et ses gestes, avec les courants de mémoire bien établis et ceux presque effacés, avec les flux de sensations mus par les événements visuels externes ou internes…

Périodiquement à côté de cette peinture, d’autres travaux de recherches visuelles ou de plaisir prirent place dans le fil du temps : des collages, des dessins, des calligraphies, des sculptures.

De l'abstraction à la peinture abstraite

Dans son champ lexical l’abstraction se différencie de l’abstrait et il est impossible de les confondre.

L’abstraction fait référence à une réalité visuelle, une simplification, une modification de la forme extérieure d’un paysage, d’un objet, d’un visage ou d’un corps…

Alors que la source de l’abstrait est liée à notre univers mental, et plus précisément à la partie du mental qui ne s’intéresse qu’aux images internes désolidarisées du monde réel extérieur.

La calligraphie

Paul s’est passionné pour les reproductions de calligraphies orientales. Il a aussi beaucoup lu des écrits concernant la peinture chinoise, les histoires des peintres dessinant des bambous, les textes destinés à comprendre ce qu’est véritablement un pinceau.

dPlus fondamentalement, Paul à chercher à être uni avec son pinceau et ses possibilités techniques, pour découvrir, au-delà, les vertus secrètes de l’outil, celles donnant le pouvoir de dialoguer avec la feuille blanche et ses espaces infinis.

En définitive, il calligraphiait à la recherche d’une émotion particulière. Pour lui, l’espace donnant naissance à une calligraphie se révélait être un lieu de créativité absolue pendant l’action…

Lieu d’alerte et d’éveil, de comportement rigoureux et de total engagement.

Lieu de dissolution du temps habituel, pendant le moment d’installation du noir dans le blanc

Lieu magique dans lequel intuitivement, le nombre d’or dynamique du chaos est perçu, parce que le moindre écart par rapport à lui met fin à l’expérience et rejette la tentative de création dans les espaces engendrant l’oubli…

Sa conception de l'infra symbolique

Pour Paul, il est important de distinguer ce qui régit notre rapport visuel intérieur et notre rapport visuel extérieur. Les éléments visuels externes dus à la mémoire ne peuvent être confondus avec les éléments visuels interne.

La fonction interne renvoie à la perception de la conscience de regarder. Les éléments visuels internes dépendent de la vie intérieure, et leur analyse engage une approche méditative du fonctionnement du mental en particulier dans le domaine visuel. Le but est de permettre une plus grande extension des recherches spirituelles sensibles et visuelles.

Paul avait ainsi l’intuition que le résultat de ses recherches et découvertes personnelles dans ce domaine, pouvaient donner naissance à des créations provenant d’une véritable aventure interne du mental.

La peinture primordiale

Avec le recul des années, Paul fit le constat que la peinture avait modulé sa vie, sa manière d’observer la nature et d’appréhender l’univers.

Il pensait qu’ « entrer en peinture » pouvait transformer un homme, le métamorphoser, lui apporter plus de curiosité, d’émotion, de plaisir, de surprise… et élargir son champ de conscience pour approfondir la connaissance de soi.

 S’exprimer sur une toile, revient en effet à prospecter à l’intérieur de soi pour laisser se manifester son propre univers, en lien avec les hommes des générations précédentes. Plonger dans la complexité de son mental permet de découvrir une ou des sources créatives…

Son l’objectif d’abord inconscient et ensuite progressivement conscient était autre. Il était de passer du monde extérieur au monde intérieur, de s’y aventurer par une prospection sans fin, comme pour retrouver les racines d’une « peinture primordiale ».

Le voyage est long et fascinant, et si vous abordez un jour ses rivages, vous accéderez alors au temps de l’espace, à votre propre temps intérieur et à ses formes mouvantes, aux flux créateurs…

Paul Tenèze

Les études

Les séries de tableaux de Paul Tenèze ne représentent qu’une partie de son travail. Pour 100 tableaux réalisés, nous avons parfois retrouvé près de 1000 croquis, ébauches, diapositives, feuille de notes…

Entre chaque série, il aimait assembler des feuilles d’idées par thème dans des petites pochettes kraft, pour être utilisées plus tard… des notes issues de ses pensées, de ses recherches, et parfois de simples flashs à noter immédiatement.

Paul a beaucoup travaillé sur des petites fiches cartonnées de format A5. A la fin d’une période de recherche qui pouvait durer des mois, il en sélectionnait un certain nombre et les assemblaient pour former un leporello, un petit livre frise appelé également livre accordéon.

Cette production invisible a été conservée, classée, répertoriée et se compte en milliers de dessins.